1 L’art de la conversation, ce « genre littéraire oral » (Fumaroli, 1998 : 292) qui a fait la grandeur de la société classique, se perd progressivement au XIXe siècle, où il ne survit plus que dans quelques tentatives nostalgiques de perpétuer son souvenir au sein des derniers salons mondains. C’est pourquoi, lors de sa participation à la somme de Pierre Nora, Marc Fumaroli définit la conversation comme un « lieu de mémoire » (Fumaroli, 1986), apparemment disparu des pratiques modernes, mais incontestablement actif dans la mémoire nationale.
2 Au XXe siècle, les formes littéraires qui s’inventent s’efforcent de mettre à distance l’esthétique conversationnelle au profit d’une mise en question souvent radicale du langage et, plus particulièrement, de sa complicité avec les différentes manifestations de l’aliénation sociale. Ainsi, en janvier 1968, la mise en scène du Shaga par Marguerite Duras peut apparaître comme une tentative d’atteindre une certaine folie du langage afin de régénérer le rapport aux mots des spectateurs. L’emploi de l’italique pour désigner la conversation entre les personnages va dans le sens d’un questionnement sur cette forme de communication.
H […] : Je n’aime plus cet oiseau. Je lui parlais mais je ne l’aime plus. Nous avions des rapports polis. […] Quelquefois, au total, il devait se produire comme… nous ne comprenons pas au même endroit, moi je comprends ici admettons (geste) et lui ne comprend pas là (geste que les femmes suivent des yeux) et pourtant, au total, quelquefois il devait se produire comme…
A, très conventionnelle : Une conversation peut-être ? (Duras, [1968] 2011 : 967)
3Marquée par la réticence et l’italique, la conversation telle qu’elle est évoquée dans l’espace littéraire du XXe siècle n’est plus qu’un terme « conventionnel » pour désigner des échanges dépersonnalisés, voire déshumanisés, dépourvus d’un sens commun permettant de se comprendre. On est donc bien loin, en effet, de la conversation comme espace de construction d’une sociabilité partagée entre beaux esprits, telle que la décrit Marc Fumaroli.
4 Cependant, en même temps que s’élaborait cette mise à mort du genre conversationnel dans l’écriture littéraire, une forme de légitimation sociale de l’écrivain se développait au sein d’un genre de plus en plus répandu : l’entretien médiatique. Encore peu étudiés par la critique universitaire, probablement à cause de leur littérarité problématique, les nombreux entretiens accordés par les écrivains à la radio et, encore plus efficacement, à la télévision ont contribué non seulement au succès de leurs livres, mais aussi à l’acquisition d’une certaine reconnaissance dans le champ littéraire. Ainsi, des émissions comme Lectures pour tous, dans les années 1960, puis Apostrophes, à partir de 1975, ont installé comme un rituel social l’habitude d’assister à l’échange plus ou moins réussi entre un interviewer et un auteur dans le but de faire connaître celui-ci ou de renouveler le lien déjà tissé qu’il entretient avec ses lecteurs et, plus largement, avec le public. Dès 1980, Philippe Lejeune commentait cette pratique comme un renversement complet du statut de l’écrivain :
On consomme aujourd’hui l’image et la voix de « l’auteur » souvent avant d’avoir lu une seule ligne de lui, et on le lit pour l’avoir entendu. Pour un peu, il faudrait de l’imagination pour se souvenir du temps où on acceptait de l’écouter parce qu’on l’avait lu (Lejeune, 1980 : 103).
5Par-delà le corps et la voix de l’auteur, c’est certainement son art de la conversation qui constitue l’enjeu d’entretiens dont le contenu critique est, bien souvent, sans grand intérêt. Si ce genre moderne connaît le succès non seulement auprès du grand public, mais aussi auprès de lecteurs plus érudits, c’est parce qu’il renouvelle une esthétique dont le souvenir est encore très vivace et contribue à la compréhension de ce qui est perçu comme littéraire.
6 Ainsi, le passage de Marguerite Duras à l’émission Apostrophes, en 1984, constitue un événement encore très présent dans les mémoires, analysé comme l’une des causes du très large succès de L’amant (Pivot, 1984). Jusqu’à sa mort, en 1996, ses passages à la télévision ont été traités par les médias et reçus par le public comme des moments de choix pour la production audiovisuelle française. Bien plus qu’un accompagnement de la publication de livres d’une très grande valeur, ces entretiens ont offert au public le plaisir d’écouter parler et converser celle qui, par cet exercice aussi, se révélait comme l’un des très grands écrivains de la fin du XXe siècle. C’est cet art de la conversation qu’il nous a semblé nécessaire de mettre à jour en visionnant à nouveau l’émission « Duras-Godard », diffusée sur la tranche horaire Océaniques, le 28 décembre 1987 (Verhaeghe, 1987)1. En réunissant deux monstres sacrés de la vie culturelle à la fin du XXe siècle, cet échange donne à comprendre les effets produits par l’entretien médiatique considéré comme un objet littéraire à part entière.
7 Avant même de s’intéresser à la pratique de l’échange mise en œuvre par Marguerite Duras, il est frappant de constater à quel point ses entretiens ont été reçus selon des codes qui ressortissent à l’esthétique conversationnelle. Dans son Journal du dehors, Annie Ernaux réagit à l’émission « Duras-Godard » en se montrant indignée par l’exhibition de cette conversation entre artistes qui, selon elle, devrait relever de la sphère privée.
Ce qu’ils disent n’a pas d’importance mais seulement le fait qu’il s’agisse d’une conversation d’intellectuels, d’artistes offerte aux gens. Un modèle idéal de conversation (Ernaux, [1993] 2011 : 526).
8Dans un entretien non publié accordé le 19 janvier 2012, elle commente à nouveau l’émission en référence à la tradition mondaine : « On ouvre le salon littéraire au profane, et c’est ça qui […] intéresse le plus. C’est d’en être » (Ernaux, 2012). Ce regard porté par Annie Ernaux montre à quel point la mémoire des salons mondains et de la conversation comme genre littéraire oral qui met en scène un idéal de sociabilité hante l’esprit du téléspectateur. Mettre en évidence la référence conversationnelle constitue, pour cette auteure, un moyen de dénoncer l’entretien médiatisé comme l’une des formes de la distinction sociale permettant d’imposer ce que Nathalie Heinich a décrit comme « une nouvelle élite » (Heinich, 2012 : 67-84), dont les pratiques ne sont pas sans évoquer celles de la noblesse de cour à Versailles.
9 Bien que la référence n’y soit pas aussi explicite, la réaction de Dominique Noguez à cette même émission, dans son journal daté du 29 décembre 1987, témoigne de même d’une sensibilité au duel verbal qu’implique la pratique conversationnelle.
Face à face Duras – Godard à la télévision. Avantage à Duras, dont le narcissisme (grâce au montage ?) semble en veilleuse. Elle parle plus clair que Godard, qui semble, forme et fond, en perpétuel bredouillement (avec des lueurs cependant). Duras est un as. Dur as sed as (Noguez, 2001 : 186).
10L’enjeu de l’émission littéraire n’est pas seulement d’exposer le corps de l’écrivain, mais de donner à constater et à mesurer une maîtrise verbale qui a constitué l’un des critères essentiels de la reconnaissance mondaine à l’âge classique. Cette maîtrise s’illustre particulièrement dans le cadre d’un échange plaçant en vis-à-vis deux figures majeures, et largement médiatisées, de la création littéraire et cinématographique de la fin du XXe siècle. La mise en scène de ce duel contribue à faire de cet entretien un dépassement du genre, habituellement structuré par un échange dissymétrique entre un interviewer tendant à l’effacement et un artiste starifié par le dispositif énonciatif.
11 Marie-Ève Thérenty a montré ce que, dès l’origine, le genre de l’interview d’écrivain emprunte à une mythologie de la forme conversationnelle particulièrement active dans les récits de visites à de grands auteurs du XIXe siècle (Thérenty, 2007 : 340-352). Assurément, les dernières décennies du XXe siècle portent encore la marque de cette mémoire prestigieuse, qui contribue à faire de l’écrivain médiatisé l’une des figures reconnues de l’aristocratie produite par les normes de la visibilité à l’époque contemporaine.
12 Bien qu’érudit, averti, ou de bonne volonté, le téléspectateur reconnaît difficilement l’esthétique conversationnelle derrière des dialogues assez pauvres du point de vue de leur contenu, n’exhibant en rien la recherche d’un style ou d’un quelconque beau langage. Il n’est possible d’envisager l’entretien médiatisé comme héritier de la conversation classique qu’en tenant compte des transformations des attentes envers le champ artistique depuis le XIXe siècle.
13 En premier lieu, Marc Fumaroli insiste sur l’inscription de la conversation, dès l’émergence de cette notion dans l’Antiquité, puis à l’âge classique, dans un espace social relevant du loisir entre lettrés, se distinguant des exercices professionnels (Fumaroli, 1998 : 292). Conformément à ce qui se pratique, en cette fin de XXe siècle, dans les émissions consacrées à des célébrités2, la mise en scène de Marguerite Duras et Jean-Luc Godard témoigne d’une recherche de naturel par une insistance sur des détails relevant de la quotidienneté. Ici, l’entretien a lieu dans le salon de la rue Saint-Benoît, domicile de l’écrivaine, qui servira aussi de décor à la série Au-delà des pages (Perrot, 19883) diffusée dans les mois qui suivent. L’impression de quotidienneté vient surtout de l’attention attirée sur des réalités prosaïques, habituellement jugées indignes de l’échange entre artistes car assez éloignées du bel esprit. Le négligé dans lequel les deux interlocuteurs s’affichent dépasse largement les normes de la bienséance admise au XVIIe siècle. « Si tu bailles, je coupe », menace la romancière réagissant aux signes de fatigue, ou d’ennui, donnés par Jean-Luc Godard. L’entretien participe de ces moments où le téléspectateur savoure l’illusion d’être dans l’intimité des personnes qu’il admire, quitte à se rendre compte qu’elles bâillent et réagissent comme lui. Il contribue ainsi à la construction d’une figure de l’auteur fin de siècle comme un « homme dans la foule » (Viart et Vercier, 2008 : 311), par opposition aux maîtres à penser qui ont dominé l’après-guerre.
14 Mais la parole de l’écrivain à la télévision n’intéresse pas seulement pour sa banalité. Par un renversement du modèle conversationnel, qui a structuré de nombreuses formes littéraires classiques, c’est avant tout pour vérifier qu’il parle comme il écrit, qu’il est « une sorte d’écrit ambulant » (DG) comme le dit Marguerite Duras à son sujet, qu’on écoute un auteur en entretien. Si l’on peut considérer, avec l’auteure d’Emily L., l’émission « Duras‑Godard » comme « un ratage total mais à peu près génial » (ADP : 26 juin), c’est probablement parce que l’on ne retrouve pas dans la sécheresse agressive des adresses de l’écrivaine à son interlocuteur le ton beaucoup plus poétique de son écriture. Les entretiens dans lesquels le dispositif prévoit de laisser vraiment se déployer la parole de Marguerite Duras pour elle-même permettent davantage l’émergence de véritables tirades relevant d’une « écriture du non-écrit » (Duras, [1993] 2014 : 877), comme elle le formule dans La mort du jeune aviateur anglais, texte produit à partir d’un récit oral fait pour un film de Benoît Jacquot.
15 On peut, cependant, retrouver cette indécision entre oral et écrit au moment de l’évocation qu’elle fait à Jean-Luc Godard, alors en position d’écoute totale, de la reprise du manuscrit initial d’Emily L. pour le scinder en deux et y insérer l’histoire de la vocation poétique détruite de l’héroïne du roman.
C’est un livre que j’ai écrit dans la passion la plus grande. […] Et puis quand il a été fini, quand j’ai eu décrit ce bar où je rencontre ces voyageurs anglais, à la Hemingway, ces soûlards britanniques qui me mettent dans une émotion qui m’a duré trois mois, […], et que j’ai parlé avec le jeune homme que j’aime et qui m’accompagnait, et que j’ai été plus loin que ça puisque j’ai parlé de l’amour que j’avais pour ce jeune homme, en raison de l’amour que je voyais sur ces gens […] et que j’ai fait se correspondre un amour impossible qui était celui que je vivais avec cet amour parfait du couple qui est au bord de la mort […], et après je ne sais pas, je ne sais plus rien d’eux, je ne peux pas l’imaginer. […] Cette espèce d’envahissement de tout le texte par un autre texte, d’un amour donné […] par un autre amour, et toutes ces conjugaisons de la passion font que le livre grandit toujours et que je n’en vois plus la limite. Alors je suis obligée, je suis tenue d’opérer le livre, de l’ouvrir, de le couper et de faire entrer dans le livre une troisième histoire (DG).
16Les reprises successives de mots par-delà tout souci de cohérence syntaxique ne sont pas sans évoquer les recherches de Marguerite Duras par rapport à l’« écriture courante » qui constitue sa marque stylistique dans la dernière partie de son œuvre. L’amplification infinie de la phrase, suivie d’une conclusion beaucoup plus brève sur la nécessité finale de scinder le manuscrit, dramatise à souhait cette histoire d’Emily L. et constitue une mise en abyme supplémentaire qui vient encadrer les trois histoires emboîtées contenues dans le roman. Ce passage d’entretien peut s’entendre comme une page supplémentaire à réinsérer dans le livre. Il s’inscrit dans le goût moderne pour l’œuvre inachevée, conçue comme un work in progress, par lequel s’affirme une puissance créatrice constamment renouvelée, qui déborde l’espace du livre publié.
17 L’entretien littéraire consiste donc pour l’écrivain, non pas à formuler un discours critique convaincant sur son dernier ouvrage commercialisé, mais à produire un ensemble d’effets esthétiques, comme autant de performances dans le prolongement du livre. L’émission « Duras-Godard » remplit d’autant mieux cette fonction que les protagonistes y manifestent leur autonomie par rapport aux codes habituels de l’espace médiatique. Selon Jean-Luc Godard, l’échange qu’ils produisent implique de ne pas « parler comme chez Pivot » (DG). En réponse, Marguerite Duras évoque la nécessité de « déranger la télévision ». La manifestation de plus en plus insistante de sentiments d’insatisfaction par rapport au dialogue réalisé s’oppose au caractère positif, aux deux sens du terme, de l’entretien mené par des journalistes. En contraste avec l’univers surexposé des émissions littéraires, Duras et Godard produisent un espace conversationnel sombre, inabouti. Mais le génie de ce « ratage » tient au fait qu’il ouvre à l’imaginaire de ce qui aurait pu être, à la fois par l’extrait de Sauve qui peut la vie ajouté au montage de l’émission, et par le souhait évoqué par Marguerite Duras dans Au‑delà des pages que Jean-Luc Godard soit revenu dans la nuit pour refaire la conversation sans caméras (ADP : 26 juin).
18 À la fois art poétique et espace de confidences autobiographiques, l’entretien littéraire est le plus souvent utilisé en tant qu’éclairage sur le projet et les pratiques d’un auteur, voire en tant que moyen de confirmation des intuitions du critique. Bien qu’ils soient placés au bas de la hiérarchie des documents relatifs à l’œuvre littéraire, les entretiens télévisés, comme celui présenté par l’émission « Duras-Godard », ont connu un retentissement important dans l’espace social grâce au principe de la diffusion de masse, certes, mais aussi grâce à leur manière d’entretenir la mythologie moderne de l’artiste de génie. Ce succès tient à la production d’un certain nombre d’effets esthétiques qui créent une zone indécidable, orale mais tendue vers l’écrit, entre commentaire et invention, autour de l’œuvre publiée et reconnue comme telle. La vitalité de la pratique de l’entretien chez Marguerite Duras montre combien l’art de la conversation contribue encore aujourd’hui à la reconnaissance d’un auteur en tant qu’Écrivain, à condition que celui-ci se conforme aux normes de création et d’originalité attendues par le public contemporain. Les multiples réinvestissements de cette pratique de l’entretien comme genre littéraire oral dans des livres inscrits parmi les œuvres complètes de l’auteur (La vie matérielle, Écrire…) témoignent de la fécondité de cet exercice littéraire à part entière.
1 Désormais, les renvois à cette émission seront signalés par la mention DG.
2 On peut penser ainsi à l’émission « Questions à domicile », montrant les hommes politiques chez eux, commentant leur vie quotidienne.
3 Désormais, les renvois à cet ensemble d’émissions seront signalés par la mention ADP, suivie de la date de diffusion.
Conformément au parti pris critique de cet article, les références d’émissions télévisées apparaîtront mêlées aux références des livres mentionnés.
DURAS, Marguerite ([1968] 2011), Le shaga, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade).
DURAS, Marguerite ([1987] 2014), Emily L., Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade).
DURAS, Marguerite ([1987] 2014), La vie matérielle. Marguerite Duras parle à Jérôme Beaujour, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade).
DURAS, Marguerite ([1993] 2014), Écrire, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade.
ERNAUX, Annie ([1993] 2011), Journal du dehors, Paris, Gallimard (Quarto).
ERNAUX, Annie (2012), « Le discours médiatique est une propagande des visions », entretien non publié, réalisé le 19 janvier 2012.
FUMAROLI, Marc (1986), « La conversation », dans Pierre NORA [dir.], Les lieux de mémoire, t. III, vol. 2, Paris, Gallimard, p. 678-743.
FUMAROLI, Marc (1998), La diplomatie de l’esprit, Paris, Gallimard (Tel).
HEINICH, Nathalie (2012), De la visibilité. Excellence et singularité en régime médiatique, Paris, Gallimard (Bibliothèque des sciences humaines).
LEJEUNE, Philippe (1980), Je est un autre. L’autobiographie, de la littérature aux médias, Paris, Éditions du Seuil (Poétique).
NOGUEZ, Dominique (2001), Duras, Marguerite, Paris, Flammarion.
PERROT, Luce (1988), Au-delà des pages, TF1 (26 juin, 3 juillet, 10 juillet, 17 juillet).
PIVOT, Bernard (1984), « Entretien avec Marguerite Duras », Apostrophes, Antenne 2 (28 septembre).
THÉRENTY, Marie-Ève (2007), La littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au XIX e siècle, Paris, Éditions du Seuil (Poétique).
VERHAEGHE, Jean-Daniel (1987), « Duras-Godard », Océaniques, FR3 (28 décembre).
VIART, Dominique, et Bruno VERCIER (2008), La littérature française au présent. Héritage, modernité, mutations, Paris, Bordas.
Bien que l’esthétique conversationnelle subisse une profonde remise en cause dans la création littéraire du XXe siècle, son héritage est encore perceptible dans le cadre d’un genre inventé grâce au développement de la médiatisation, l’entretien littéraire. L’émission télévisée « Duras-Godard », diffusée en 1987, donne à comprendre comment la mémoire des salons mondains hante encore la réception par le public moderne. Mais elle montre aussi l’art de Marguerite Duras pour faire siennes les normes de cette pratique sociale et en tirer des effets esthétiques propres à enrichir son œuvre publiée.
Although the French aesthetic in the art of conversation has been called into question in 20th century literary creation, its heritage is still perceptible within the context of a genre invented by the expansion of mediatization: the literary interview. The television programme “Duras-Godard”, broadcast in 1987, reveals how the memory of social and literary salons still haunts the reception by a modern public. But it also shows how Marguerite Duras manages to appropriate the rules of this social practice to produce specific aesthetic effects in her published work.