Dominique Viart
« Nous sommes des crapules romanesques »
La littérature contemporaine et la tentation romanesque
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Avertissement
Comme toutes les disciplines qui travaillent sur le présent – la démographie, la sociologie, l’ethnologie du proche, l’économie, l’histoire immédiate… – l’étude de la littérature contemporaine doit sans cesse actualiser ses réflexions et ses données, les confronter à l’évolution des œuvres récentes. Aussi peut-il sembler périlleux de publier maintenant un texte rédigé il y a quelque temps déjà, a fortiori dans la mesure où, comme c’est ici le cas, celui-ci prétendait saisir un phénomène ponctuel et dessiner un état des lieux encore en tension, entre le romanesque de seconde main et le retour à une adhésion plus immédiate. De fait, cette seconde veine s’est depuis fortement accentuée, et le « romanesque » n’est plus, désormais, une catégorie suspecte, bien au contraire
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. Je ne reviens cependant pas sur ces pages, dont les considérations théoriques me paraissent avoir conservé leur pertinence. Elles sont certes datées, mais comme est daté ce moment esthétique qu’elles mettent en évidence : celui d’un certain « retour du refoulé », qui permit au roman de conquérir de nouveaux espaces. Je me contente de les faire suivre d’un complément en forme de post-scriptum, non pour les actualiser, mais pour dessiner l’évolution que déjà elles pressentaient.
* * *
2La littérature contemporaine hérite du soupçon porté par la génération précédente sur les formes traditionnelles de la narration. Avec Sartre et Camus déjà, les personnages avaient perdu de leur puissance. Valéry, peu séduit par l’emploi du temps des marquises, les avait d’une formule célèbre renvoyés à leur nature d’« êtres de papier ». Depuis le formalisme et les dernières avant-gardes, c’est le romanesque lui-même qui paraît irrecevable, voire inconcevable. Ses procédures sont trop visibles, ses motifs, trop éculés, ses thèmes, trop conventionnels. Les intrigues se sont défaites sous les coups de butoir du renouvellement narratif des années 1960, la linéarité s’est perdue, le récit même s’est trouvé « empêché », selon le mot de Jean Ricardou. Cette histoire est bien connue.
3La profonde mutation des esthétiques et des enjeux que la littérature traverse depuis le début des années 1980 revient certes sur un certain nombre des exclusions prononcées par les décennies antérieures : les écrivains se replongent dans le monde, se ressaisissent de la question du sujet, entreprennent de dire le réel à nouveaux frais, et donnent à nouveau libre cours aux formes diverses du récit. Néanmoins, peu d’entre eux revendiquent de la même façon un « retour au romanesque », à l’exception certes de romanciers académiques, d’ailleurs souvent académiciens ou désireux de le devenir, et d’un groupe qui se rassemble sous l’étiquette de « Nouvelle fiction » et se propose d’utiliser « absolument tous les moyens de l’art romanesque » (Moreau, 1992 : 11). C’est que demeure encore attachée à la catégorie du « romanesque » une aura de mièvrerie, de stéréotypie et de répétitivité, que le formalisme critique a fortement mise en évidence2.
Le romanesque : une catégorie déconsidérée
4Dès lors, revenant au récit, la littérature contemporaine ne revient pas au romanesque, convaincue, comme le déclare Claude Ollier, de « l’extinction du roman dit romanesque en tant que forme littéraire vivante » (2001 : 113), ou soucieuse, comme la jeune écrivaine Véronique Pittolo, de « sortir du ronron anesthésiant de la production romanesque traditionnelle » (Pittolo, 2005 : 137). Et de fait, chacun a pu constater dans la période actuelle une substantielle transformation des objets de la fiction, qui délaisse les pures productions de l’imaginaire au profit de faits vrais et de personnes réelles. Je ne reviens pas sur le développement des formes autofictionnelles multiples et désormais bien connues – « fictions de faits vrais », selon la définition avancée par Serge Doubrovsky –, qui en est déjà un puissant symptôme. Ce n’est pas en tant qu’elle est ou serait « romanesque », en effet, qu’un écrivain se penche sur son existence, quitte à en donner une version toute subjective et retravaillée par sa mise en mots, mais bien dans un processus de dévoilement de soi-même, voire à soi-même, à travers un travail d’écriture. Plus nettement encore, les nombreuses « fictions de faits vrais » que sont aussi les récits contemporains inspirés par des faits divers se distinguent avec force du traitement de ces mêmes types de faits par le roman au XIXe siècle et au début du XXe siècle. À l'exploitation d'une potentialité romanesque du fait divers (à laquelle s'intéresse Philippe Hamon, 1997) qui fait complètement disparaître les affaires Delamare, Lafargue, Berthet ou Canaby au profit respectif des romans Madame Bovary, Le rouge et le noir et Thérèse Desqueyroux, s’oppose la pratique actuelle qui se refuse à toute séduction romanesque et privilégie l’enquête, la réflexion, l’hypothèse, allant même jusqu’à conserver – quand le respect légal des personnes ne l’interdit pas – le véritable nom du protagoniste du fait divers, comme le fait Emmanuel Carrère dans L’adversaire (2000).
5De même, l’important déploiement de ces formes nouvelles que sont les « récits de filiation » et les « fictions biographiques3 » montre bien que désormais, c’est à des individus historiquement attestés que s’intéresse majoritairement l’écriture narrative, quelle que soit la part de fiction reconstitutive qui s’y mêle. Depuis Claude Simon dans L’acacia (1989), Annie Ernaux dans La place (1983) et Pierre Michon dans Vies minuscules (1984), jusqu’à Charles Juliet dans Lambeaux (1995) ou Jean Rouaud dans ce qu’il nomme sa « trilogie des origines » (1990, 1993, 1998) : ce ne sont que figures attestées et personnes effectives plus que personnages. Semblablement, les « fictions biographiques », dont Gérard Macé, Pierre Michon et d’autres ont donné l’exemple, et qui perdurent aujourd’hui avec le Ravel de Jean Echenoz (2006) ou Pura vida de Patrick Deville (2004), ne s’appuient que sur des individus connus, vérifiables, dont la plupart appartiennent de facto à notre patrimoine culturel. Un tel déplacement des objets de la fiction contribue, comme je l’ai montré ailleurs, à une mutation de la notion de fiction elle-même : celle-ci n’est plus, selon la définition de Jean-Marie Schaeffer, une « feintise ludique partagée » (1999 : 145) qui fait place à un imaginaire sans bornes, mais, s’approchant du sens que Jacques Lacan donne à ce mot dans ses Écrits (1966), désigne l’appréhension, voire l’appropriation subjective qu’un individu donné – l’écrivain – se fait de la réalité qui lui est proposée. Tous les textes contemporains, et ils sont nombreux, qui entreprennent de traiter de l’Histoire par la littérature relèvent de ce même déplacement : leur recours massif aux documents, archives, photographies et autres traces archéologiques du passé, leur pratique de l’enquête et de la reconstitution, ne laissent apparemment guère de place à la réinvention romanesque de l’Histoire.
6Voilà donc qui semble entendu. Et pourtant, le romanesque n’a pas disparu de la littérature. Au contraire : il l’habite comme une tenace présence souterraine à laquelle les écrivains ne renoncent pas tout à fait. Certes, je pourrais évoquer ici, pour le montrer, ce rassemblement mentionné plus haut, dit de la « Nouvelle fiction », qui revendique, autour de son théoricien Jean-Luc Moreau, de son chef de file Frédérick Tristan et de son pamphlétaire Marc Petit, le libre recours à une imagination aussi débridée que possible, fondée sur les grands modèles du roman d’aventure et du fantastique, sur le recours au légendaire et à l’irrationnel. Les réflexions communes et insistantes de Moreau et de Tristan sur « l’invisible comme moyen d’identification de l’homme en sa totalité », et le syncrétisme qu’ils construisent entre le « merveilleux » selon Breton, les « apparitions » et « révélations » (Tristan et Moreau, 2000 : 232 et ss., 348 et ss.) qui sous-tendent les romans de Sylvie Germain, sont particulièrement emblématiques de ce « merveilleux dans le roman contemporain », dont traite par ailleurs Marie-Hélène Boblet (2011). Mon propos est différent : car si la revendication « néo-fictive » d’un romanesque intemporel est évidente – et, à ce titre, ne nous dit pas grand-chose de la spécificité de la littérature d’aujourd’hui, sinon qu’elle comprend aussi une dimension conservatrice où s’illustrent des « artisans » de la littérature indifférents à son Histoire –, en revanche, la sourde présence du romanesque dans une littérature qui ne se l’autorise pas paraît plus problématique, et donc plus intéressante à envisager.
Persistances du romanesque
7C’est le romanesque de Verne, de Dumas et de Stevenson qui a bercé nos enfances de lecteurs, c’est lui qui a tourné vers la littérature nombre d’écrivains. Tous s’en souviennent, et demeurent attachés à cette expérience inaugurale et, pour certains, fondatrice. C’est même là l’un des rares points d’accord entre, par exemple, un Julien Gracq qui écrit : « Si la littérature n’est pas pour le lecteur un répertoire de femmes fatales et de créatures de perdition, elle ne vaut pas qu’on s’en occupe » (1980 : 178), et un Alain Robbe-Grillet, pour qui la littérature constitue effectivement un réservoir de romanesque. Elle a, du reste, du mal à être autre chose : même le formalisme se nourrit de roman policier, de mythe (Les gommes – Robbe-Grillet, 1952), d’adultère (La jalousie – 1957), de meurtre (Le voyeur – 1955), d’érotisme (La maison de rendez-vous –1965). L’écrivain en défait certes les agencements et les articulations, mais en conserve les ingrédients et les motifs. Plus encore : prenant à son tour, au début des années 1980, le tournant vers une expression plus personnelle, Robbe-Grillet donne dans Le miroir qui revient (1985) des gages au fantastique de Jules Barbey d’Aurevilly ou d’Oscar Wilde. Et c’est au romanesque le plus populaire, celui d’Anne et Serge Golon, qu’il adresse des signes de connivence dans Angélique (1988) – qui fut pour ces derniers « marquise des Anges », femme fatale et, tout à la fois, créature en perdition… Faut-il rappeler ici que, non sans ironie, Robbe-Grillet appelle « Romanesques » la trilogie dont ces deux romans constituent les premiers volumes ?
8De fait, même chez les écrivains les plus formalistes, s’est installée une certaine nostalgie de ce romanesque fondateur et récurrent. Celui-ci s’affiche d’abord dans des entreprises périphériques à la création littéraire elle-même, comme pour maintenir une étanchéité entre le désir que portent la nostalgie et la pratique de l’écriture. Ces entreprises « périphériques » sont éditoriales et préfacielles. Que l’on songe, notamment, à la création, aux éditions Farrago, d’une collection inspirée par Jean-Benoît Puech, inventeur pervers de l’écrivain Benjamin Jordane, dont il a publié plusieurs livres savamment manipulateurs. Cette collection réédite des romans très romanesques quasiment oubliés, comme Jim Click de Fernand Fleuret, Le maître du navire de Louis Chadourne, ou La nonne Alferez de Catalina de Erauso. Présenté par Florence Delay (de Erauso, 2001), ce dernier titre s’apparente aux ouvrages parus dans la collection nommée « La collection » aux éditions P.O.L., qui proposait à un écrivain actuel de préfacer un ouvrage ancien. Le maître de Ballendrae de Robert Louis Stevenson fut ainsi présenté par Jean Echenoz (1994), Un début dans la vie d’Honoré de Balzac, par Pierre Michon (1993), ou Le petit chose d’Alphonse Daudet, par Roger Laporte (1991), écrivain proche de Maurice Blanchot que l’on n’attendait certes pas dans ce rôle. Chez le même éditeur, René Belletto avoue dans un fort volume sa fascination pour Charles Dickens (Belletto : 1994). Le lien est donc plus qu’établi entre la littérature d’aujourd’hui et ses lectures romanesques, ce que ce que confirment, chacun représentant d’une génération, Claude Ollier : « C’est que j’aimais le romanesque, je l’aimais énormément ! C’est là le drame avec le romanesque, je veux dire un des grands drames de notre époque » (cité par Montel, 2000 : 31), et Jean Echenoz dans plusieurs de ses entretiens.
9Mais notre époque, souligne le premier, a diffusé le romanesque en d’autres lieux et sur d’autres supports que le roman : bande dessinée, cinéma, téléfilms, séries, jeux vidéo, etc. en sont désormais les territoires. La question demeure cependant de savoir si cette fascination avouée imprègne tout de même, ou non, la création romanesque contemporaine elle-même. Or c’est là que se met en place une pratique particulière de récupération du romanesque dans des romans et récits qui ne le sont pas, lesquels font du romanesque non une forme possible de l’imaginaire, mais un objet de récit, ou plus largement de création. À l’exemple de Robbe-Grillet, mais avec un autre ton, bien sûr, et des procédures formelles d’une autre teneur, Jean Echenoz transforme ainsi le matériau (du) romanesque en matière de roman. L’écrivain explique avoir d’abord voulu écrire une variation sur le roman policier (comme le furent, autrefois, Les gommes). Mais son écriture, qui se plie à un tel cahier des charges dans Le méridien de Greenwich (1979), puis dans Cherokee (1983), est ensuite comme emportée par une « dérive », c’est son mot, qui l’éloigne du paradigme initial vers d’autres modèles :
De façon inconsciente, [mon] premier livre, c’était un peu comme un programme. Une fois qu’il a été terminé, je me suis passé la commande de quelque chose qui se rapprocherait plus du roman policier classique. Ensuite je me suis passé d’autres commandes […]. Comme j’avais de beaux souvenirs de romans d’aventure, j’ai voulu passer à quelque chose de cet ordre (Echenoz, 1996).
10On connaît effectivement cette évolution par laquelle Echenoz s’empare successivement du roman d’aventure (L’équipée malaise – 1986), d’espionnage (Lac – 1989) ou de science-fiction (Nous trois – 1992).
Un romanesque de seconde main
11Le romanesque est, dès lors, le matériau offert aux pratiques de réécriture ludique et à l’ironisation virtuose contemporaines, que l’on distinguera de la réécriture simple, laquelle demeure sans intention parodique, comme celle que Michel Tournier fait de Robinson Crusoë dans Vendredi (1967). On se souvient peut-être que la pratique de réécriture est donnée comme caractéristique de ce qu’Aron Kibedi-Varga nomme le « récit postmoderne » (1990), et dont un autre exemple serait, en France, Roman roi (1983) et Roman furieux (1987) de Renaud Camus. Le jeu avec les formes du romanesque sentimental et historique est poussé dans ces deux livres à sa plus grande efficacité, l’écrivain mettant en place un invisible protocole de double lecture qui permet au lecteur naïf, friand de belles histoires, de se sacrifier au plaisir du récit tandis que le lecteur savant s’abandonne à ce que Roland Barthes appelait la jouissance du texte.
12Renaud Camus n’a pas persévéré dans cette voie, mais Jean Echenoz a continué ses explorations vers d’autres romanesques : ceux du roman réaliste (Un an – 1997) ou – peut-on dire cela ? – du roman métaphysico-fantaisiste avec Au piano (2002). Bien sûr, chez lui, l’adhésion du lecteur au romanesque est impossible : elle est toujours déconcertée par des intrusions de narrateur : « Personnellement je commence à en avoir un peu assez de Baumgartner », lit-on dans Je m’en vais à propos d’un personnage dont le narrateur ne sait plus que faire (1999 : 170). Ou encore, dans un passage des Grandes blondes qui s’adresse au lecteur : « [V]ous prévoyez le pire. On vous comprend » (1995 : 185).
13Cette récupération indirecte du romanesque connaît bien d’autres réalisations que je me contente d’esquisser, ne voulant pas infliger au lecteur des listes de titres. Du côté d’un nivellement radical, par exemple, les romans de Christian Oster, tout entiers livrés à leur pulsion narrative, s’organisent autour d’un événement aussi médiocre que possible : un homme a perdu ses clefs et sa serviette (Mon grand appartement – 1999), un autre engage quasiment malgré lui une femme de ménage (2001), un troisième perd sa compagne parce qu’il éternue (L’imprévu – 2005). Rien là de très romanesque à vrai dire, mais tout cela joue sur la mémoire que le lecteur a du romanesque bien plus riche de ses lectures d’autrefois. Et le roman connaît sa réussite d’être lu en contrepoint des grands romans du patrimoine. Les indices en sont d’ailleurs disséminés çà et là par le romancier, avec des allusions, par exemple à L’étranger et à La chute de Camus, discrètement convoqués dès l’incipit de Mon grand appartement.
14De telles entreprises inaugurent ce que je propose d’appeler un « romanesque de seconde main », empruntant pour l’occasion la formule à Antoine Compagnon, qui la tient lui-même de Montaigne. Purement intertextuel, mais plus ou moins explicite, plus ou moins allusif, plus ou moins crypté, ce « romanesque de seconde main » connaît, me semble-t-il, six réalisations possibles :
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Ou bien il joue sur les attentes lectorales. Comme Jean-Philippe Toussaint lorsqu’il recourt à l’annonce déceptive dans l’incipit de L’appareil photo (1988). Le lecteur accoutumé à des incipit romanesques qui mettent en œuvre une rencontre, une lettre inattendue ou une décision inaugurale est chahuté par l’improductivité de celui de Toussaint et s’en amuse. C’est un romanesque par défaut.
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Ou bien il joue sur le double niveau de lecture, comme dans l’exemple de Renaud Camus évoqué plus haut. Roman roi peut en effet être lu de façon primaire, comme s’il s’agissait d’une œuvre de « Nouvelle fiction ». Mais il peut l’être aussi avec distance, si l’on reconnaît dans la Caronie non la transposition de la Roumanie, mais celle de la Transylvanie de Hergé, affublée de patronymes littéraires et de personnages extraits de la revue mondaine Point de vue – Images du monde. C’est un romanesque à double entente. Sans doute le seul qui réponde vraiment à l’étiquette « postmoderne ».
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Ou bien il joue sur la connivence lectorale, comme le fait Jean Echenoz, truffant ses œuvres de références aux lectures d’enfance qui l’habitent encore. C’est le romanesque de connivence.
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Ou bien il joue de l’imprégnation et tente de retrouver parfois le thème mais, surtout, la tonalité d’un romanesque déterminé, comme le fait Michel Chaillou dans La rue du capitaine Olchanski (1991), judicieusement sous-titré « roman russe » et travaillé en profondeur par le souvenir de La fille du capitaine de Pouchkine. Il me semble que l’on peut le considérer comme un romanesque de célébration par l’hommage qu’il rend au paradigme imité.
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Ou bien il manipule la tradition romanesque au profit de savantes constructions, comme le fait Jean Lahougue, jouant avec Jules Verne dans Le domaine d’Ana (1998), avec Georges Simenon dans La doublure de Magritte (1987) ou avec Agatha Christie dans Comptine des Height (1980). C’est un romanesque à contraintes formelles dont le modèle lointain se trouve dans les Impressions d’Afrique de Louis Roussel.
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Ou bien encore il met cette tradition en perspective, comme le fait Jean-Benoît Puech depuis La bibliothèque d’un amateur (1979)4, qui résume et critique les ouvrages romanesques fictifs mais inspirés de livres réels que contient la bibliothèque d’un « écrivain supposé », véritable répertoire de situations romanesques par excellence. C’est un romanesque lettré et manipulateur.
15Trois remarques à propos de ces réalisations possibles du romanesque de seconde main : d’une part, aucune de ces six réalisations n’est étanche l’une à l’autre. Les pratiques peuvent s’y croiser parfois, mais, à vrai dire, elles ne le font que relativement peu, car chacune obéit à un projet esthétique différent. D’autre part, leur variété dessine un large empan de la littérature narrative contemporaine et atteste à la fois de la présence du romanesque en elle et de son souci de ne pas s’y abandonner, sinon selon un mode décalé. Enfin, on notera qu’aucune de ces pratiques n’est propre à la seule littérature. Si, comme je l’ai dit plus haut, le romanesque s’est réfugié dans d’autres espaces de création, le romanesque « de seconde main » y trouve aussi sa place. Dans le cinéma bien sûr, où les films ne sont parfois que des jeux citationnels de films antérieurs, que l’on pense à Quentin Tarentino (Pulp Fiction), ou encore, pour ce qui concerne un romanesque plus proprement littéraire que filmique, à Bruno Podalydès (2003) qui s’inspire de Rouletabille de Gaston Leroux (Le mystère de la chambre jaune – 1907). Mais aussi, et c’est plus inattendu peut-être, à la peinture, par exemple celle de Jean Le Gac, qui joue à reproduire en tableaux les illustrations des romans populaires d’autrefois (Les aventures d’un petit parachutiste de Roger Salardenne, Harry Dickson de Jean Ray), ou encore les dessins des unes de ciné-romans ou des magazines friands de crimes et autres exactions bien sanglantes, comme Le Petit Journal, Le Petit Parisien, ou Détective.
Du romanesque où on ne l’attend pas
16Ces pratiques ne sont finalement pas très surprenantes, s’agissant effectivement de romans revendiqués comme tels. L’histoire du genre nous a appris, depuis Cervantès, Furetière et Flaubert, combien celui-ci aimait à se retourner sur lui-même et à s’interroger dans le corps même des œuvres. C’est souvent en transformant en objet romanesque la forme littéraire qui la précédait – roman de chevalerie, roman précieux ou petits romans romantiques – qu’une nouvelle esthétique s’est imposée. Plus incertaine est en revanche la présence du romanesque dans la littérature qui ne se conçoit pas comme roman. Je veux dire dans ces livres que proposent en quantité les récits de filiation, les fictions biographiques, les écritures de l’Histoire ou les fictions critiques que j’évoquais plus haut. Or, comme Pierre Michon l’avoue dans la fiction biographique Rimbaud le fils, les écrivains sont « des crapules romanesques » (Michon, 1991 :80), et de tels récits sont aussi traversés d’un romanesque qui se refuse. On ne peut lire les Vies minuscules de cet auteur sans être frappé par la quantité de romans « romanesques » qui y sont invoqués : des Mille et une nuits au Livre de la jungle, de Manon Lescaut à Moby Dick, de Flaubert à Dostoïevski, de Faulkner à Bataille. Toutes ces lectures alimentent le bovarysme des personnages et, au premier chef, celui du narrateur. Elles nourrissent leur désir d’ailleurs, leur soif d’émancipation, selon le principe du « désir mimétique » mis au jour par René Girard dans Mensonge romantique et vérité romanesque (1961). Elles innervent véritablement le livre et sa ferveur, allant parfois jusqu’à s’y glisser en citations non identifiées, comme lorsqu’au milieu même de Vies minuscules, Michon cite sans le dire une phrase (un alexandrin, en fait) de la traduction par Giono d’un passage de Melville, où l’auteur de Moby Dick lui-même cite le Livre de Job de la Bible : « [L]e monde disparut. Et moi seul j’échappais pour venir te le dire » (Michon, [1984] 1996 : 136). De même, c’est à Jules Vallès et à la saga de Jacques Vingtras que François Vigouroux emprunte le nom qui lui permet de parcourir sa propre histoire de famille dans Grand père décédé – stop – viens en uniforme (2001). À bien les relire, la plupart des récits de filiation s’appuient sur des livres et des lectures, véritables passeurs de rêves et d’identification de soi-même à cet autre que l’on entend devenir. Souvent, c’est ce romanesque purement fictif qui permet de dire ce qui n’a pas été transmis par les ascendants, qui aide non à les représenter, mais à se les figurer. Dans l’emprunt à des modèles livresques, certes, mais avec la distance critique de qui sait être lucide sur ses propres stratégies.
17De même, les fictions biographiques5 vont chercher dans la littérature le truchement qui leur permettra aussi de figurer tel décor, tel contexte, voire telle figure avérée qui ne se peut saisir autrement. Et c’est au plus romanesque qu’elles l’empruntent. Les exemples sont ici multiples, qu’il s’agisse de Gérard Titus-Carmel ou de Patrick Deville, sollicitant tous deux Malcolm Lowry pour décrire les ivresses fiévreuses d’Amérique latine respectivement dans L’élancement. Éloge de Hart Crane (Titus-Carmel, 1998) et Pura vida. Vie et mort de William Walker (Deville, 2004) ; ou qu’il s’agisse de Pierre Michon, reconstruisant les rêves républicains du facteur dans Vie de Joseph Roulin à l’aide de Victor Hugo (Michon, 1988). Mais c’est, je le souligne, sans jamais être dupe de son propre recours au romanesque que l’écrivain souligne, au contraire. Voici ce que cela donne, dans Vie de Joseph Roulin :
Comment cela se fit, quelles figures hasardeuses cela prit pour s’installer, il n’est pas sorcier de le deviner : l’image de Gavroche n’en finissant pas de bondir ou de tomber, la haute barricade- et la petite cocarde, dans un livre dépenaillé […] (Michon, 1988 : 22).
18 Et c’est le même Gavroche qui permet de se figurer Rimbaud pendant la Commune dans Rimbaud le fils :
On dispute si dans Paris il fit le coup de feu avec ceux de la Commune ; […] ou s’il fut petit tambour en haut de la barricade ; et si en bas de la barricade il mangea la soupe avec les misérables, les obscènes, les doux idiots, avec eux fuma le caporal. On voudrait le croire, mais il semble bien qu’on ne le puisse, cette histoire est dans Les misérables du vieux, pas dans la vie d’Arthur Rimbaud (Michon, 1991 : 65).
19Plus encore, ce qui retient Gérard Macé auprès de Champollion, dans Le dernier des Égyptiens, c’est cette crise de goutte qui fait lire Le dernier des Mohicans de Fenimore Cooper à l’égyptologue et lui donne l’âme romanesque. On continuerait encore longuement ce relevé des marbrures romanesques de la littérature contemporaine. Je n’y insiste pas, sinon pour renvoyer, du côté des « fictions critiques », à Tigre en papier d’Olivier Rolin (2002) et à sa riche intertextualité, surprenante du reste pour un ancien membre de cette gauche prolétarienne maoïste qui avait proscrit la littérature comme activité bourgeoise ; ou aux livres de François Bon, qui ne saisissent le réel qu’en y investissant les intensités de la littérature. Ces écrivains disent la nostalgie qui les habite et l’un de leurs enjeux est de chercher justement la part de romanesque que recèlent les vies anonymes ou célèbres dont ils parlent. C’est cette part de romanesque qui les agite et les fait avancer, et c’est elle qui les aide à les figurer. Indirectement, cela témoigne aussi de la permanence de l’exaltation intime – celle de nos cœurs d’artichaut, auxquels Dominique Rabaté rend un superbe hommage dans Le chaudron fêlé, évoquant, par les mots de Flaubert, « la parole humaine comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles » (2006 : 9). Ce romanesque sentimental, récalcitrant à disparaître sous le cynisme de la Modernité, Michon l’élève même à la catégorie du sublime dans Vies minuscules en y lisant les élans de ces êtres de rien auxquels il s’attache. Mais c’est un sublime au sens de Pascal Quignard, un « à pic » dont ils dévalent trop vite, « nés plus près de la terre et plus prompts à y basculer derechef », selon la belle formule de Pierre Michon ([1984] 1996 : 15). Le livre le montre ainsi que, dans nos fictions intimes, l’attachement romanesque n’est finalement qu’une forme dégradée, et vaine, du sublime. On le voit : si la littérature contemporaine exigeante a renoncé à écrire de façon romanesque, elle n’a pas renoncé à chercher la nature et la fonction que la fascination romanesque peut avoir dans les projets existentiels des uns et des autres, cette « vérité romanesque » dont parle justement René Girard.
Une autre « vérité romanesque »
20Or un tel enjeu oblige à reconsidérer la « catégorie du romanesque », formule que j’emprunte à Jean-Marie Schaeffer qui la définit par quatre critères (2004 : 296 et ss.) :
1
er
critère : L’importance accordée, dans la chaîne causale de la diégèse, au domaine des affects, des passions et des sentiments, ainsi qu’à leurs modes de manifestation les plus absolus et extrêmes.
2
e
critère : La représentation des typologies actantielles, physiques et morales par leurs extrêmes, du côté du pôle positif comme du côté du pôle négatif.
3
e
critère : La saturation événementielle de la diégèse et son extensibilité indéfinie.
4
e
critère : La particularité mimétique qui construit le romanesque, à savoir le fait qu’il se présente en général comme un contre-modèle de la réalité dans laquelle vit le lecteur.
21J’ai montré ailleurs combien ces critères disconvenaient à définir le romanesque à l’œuvre, par exemple, chez Jean Echenoz (Viart, 2006). Mais, plus largement, c’est au romanesque contemporain qu’ils disconviennent, attestant par là même d’une absence de romanesque au sens traditionnel – ou académique – dans cette littérature. En effet : loin de saturer ou d’étendre les événements de la diégèse, la littérature des vies et des récits de filiation se contente de biographèmes ponctuels et isolés. Et elle n’élabore des typologies, lorsqu’il lui arrive de le faire (comme Pierre Michon, avec les figures des parents de Rimbaud), que par hypothèse dramatique. Et surtout, elle ne construit pas le romanesque comme un contre-modèle de la réalité, mais comme un ingrédient actif au sein même de la réalité psychique.
22Contre cette récente définition du romanesque par Schaeffer, il faut, pour comprendre la nature du romanesque en question – et, partant, sa fonction –, en revenir à celle, plus ancienne, et sans doute plus iconoclaste, avancée par Barthes en 1975 : « Le romanesque est un mode de discours qui n’est pas structuré selon une histoire ; c’est un mode de notation, d’investissement, d’intérêt au réel quotidien, aux personnes, à tout ce qui se passe dans la vie » ([1975] 1995 : 327). Cette définition assez originale, convenons-en, correspond mieux à ce que la littérature d’aujourd’hui attend du romanesque. Libéré « des imparfaits et des passés simples et des personnages psychologiquement plus ou moins constitués » que Barthes rejette ([1975] 1995 : 327), le romanesque est alors affaire de notation, d’intérêt envers le réel quotidien, et d’énonciation, le tout dégagé d’une histoire. Un tel modèle convient à la plupart des livres que j’ai cités, qui pratiquent effectivement des notations quotidiennes, parfois apparemment insignifiantes, ne se laissent guère prendre aux fascinations d’une histoire bien ficelée – la plupart au contraire déraillent, s’abrègent, échappent peu ou prou –, mais tiennent par la puissance énonciative qui traque ces histoires.
23Ces notations d’un réel quotidien ouvrent dans la littérature narrative récente un nouvel espace au romanesque, mais combien plus noir et plus acide. C’est celui que l’on trouve sous la plume de Régis Jauffret, par exemple dans Univers, univers (2003). Des personnages englués dans leur vie trop banale et dans les contraintes familiales ou quotidiennes s’inventent des vies agressives ou désastreuses que l’auteur écrit au conditionnel ou au futur, parfois à l’imparfait – comme le font les enfants dans leurs jeux imaginaires. Stevenson n’écrivait-il pas, dans ses Essais sur l’art de la fiction, que « la fiction est à l’homme adulte ce que le jeu est à l’enfant » (1992 : 216) ? Sauf que le romanesque ainsi constitué par Jauffret n’est que rarement un espace de réalisation de soi, plutôt celui d’une autre souffrance, plus radicale et plus définitive, qui confine à la mort violente, au suicide ou à la déchéance. Il y a là toute une dimension psychique nouvelle, insondée, de l’imaginaire : comment les gens qui ne font rien ou n’exercent que des tâches sans gratification se figurent-ils leur existence ?, qui me semble se rattacher à un romanesque flaubertien, entre Bovary et Bouvard et Pécuchet – une sorte de romanesque par compensation. Un romanesque dégradé en simulacre qu’Emmanuel Carrère interroge aussi en sondant, dans L’adversaire (2000), les immenses espaces vides de la vie de Jean-Claude Romand, qui n’occupait ses journées à rien pendant qu’il faisait croire qu’il était médecin. Comme le dit Dominique Rabaté, cette « figure intensément romanesque [est] porteuse d’une destruction sans retour de tout projet romanesque » (2008 : 69), car elle n’en désigne que l’absence.
24Au rebours de cette vacuité dévastatrice se lève cependant une autre version, plus positive, du romanesque contemporain. Elle me paraît avoir sa source dans la littérature antillaise, traversée d’influences latino-américaines : celle de Patrick Chamoiseau ou de Raphaël Confiant, tel qu’elle est habitée de Gabriel García Márquez et du « réalisme magique ». Attachée pour des raisons qui relèvent de son histoire propre à réinventer sa propre légende, elle n’hésite pas à puiser aux confins des mythes et des mémoires la matière d’une épopée populaire. On en trouve la trace dans les romans de Marie NDiaye. Et cette verve-là, ce lyrisme emporté suscitent aussi un goût retrouvé pour l’ampleur narrative que j’évoque pour terminer : depuis peu, quelques romans français commencent à reprendre de l’épaisseur, comme s’il s’agissait pour certains de rompre avec la réputation de « minimalisme » ou d’« intimisme » faite à notre littérature. Viennent de paraître en effet, après Ma vie parmi les ombres de Richard Millet (2005), Waltenberg d’Hédi Kaddour (2005), L’imitation du bonheur de Jean Rouaud (2006) ou Dans la main du diable d’Anne Marie Garat (2006), qui tous oscillent entre 600 et 900 pages (Univers, univers déjà, de Régis Jauffret [2003], en comptait plus de 600)6. Leur matériau est romanesque, plutôt de première main (même si les allusions au genre romanesque sont nombreuses chez Kaddour et Garat), sauf chez Rouaud, où ce matériau ne cesse de faire l’objet de commentaires métalittéraires. Leur projet ambitionne de rendre compte de larges pans d’une Histoire disparue ou toujours méconnue : celle des « hautes terres limousines » pour Richard Millet, celle du XXe siècle pour Hédi Kaddour et Anne-Marie Garat, dont le livre salue la tradition romanesque du roman-feuilleton7, celle de la Commune pour Jean Rouaud, qui dit en incipit avoir « jusqu’à maintenant régulièrement repoussé les prétendants à ce périple romanesque » (2006 : 10) et cite Robert Louis Stevenson en exergue. Récits de filiation, fictions biographiques et enquêtes historiques s’y déploient avec les mêmes exigences que dans les textes antérieurs, mais ne renoncent plus à construire des personnages ni à prolonger les histoires. J’y vois le signe d’une évolution naissante : le besoin de reconquérir un souffle, non pas épique, certes, mais narratif justement ; de rendre à l’écriture, à la langue, sa puissance d’emportement. Signe aussi que peut-être nous sommes sortis de cet épuisement de la littérature, que Maurice Blanchot, Samuel Beckett ou Louis-René des Forêts avaient légué à notre temps, et qu’à rebours des sombres diagnostics de William Marx (2005), la littérature a repris confiance dans ses moyens, qu’elle peut se réinventer et que les « crapules romanesques » peuvent désormais marcher à visage découvert.
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Post-scriptum
Les œuvres parues depuis la rédaction initiale de ce texte n’ont pas manqué de venir confirmer le constat sur lequel cette intervention se terminait. Sans vouloir ici relancer le propos, je voudrais simplement le compléter de trois remarques et d’une réflexion. 1. Peu après la présentation de cette étude, la question du romanesque et de sa légitimité est devenue un objet de débats : c’est ainsi qu’au-delà des comptes qu’elle y règle avec les accusations de plagiat dont elle a fait l’objet, Marie Darrieussecq développe dans Rapport de police (2010) un véritable manifeste en faveur de l’imagination romanesque. Protestant contre l’inféodation du roman au réel, dont Emmanuel Carrère lui paraît caractéristique, elle retrouve là les accents de Fréderick Tristan (1999), de Marc Petit (1999) et des auteurs de la « Nouvelle fiction ». 2. Bien des écrivains dont l’œuvre s’est ouverte sur des jeux de second degré avec le roman ou sur une pratique plutôt minimaliste ont fait évoluer leur œuvre vers des formes romanesques plus assumées. Tel est par exemple le cas de Jean-Philippe Toussaint, de Leslie Kaplan, de Marie Redonnet, de Christian Garcin… 3. Une nouvelle « génération » d’écrivains explore à nouveau les voies du romanesque, non sans en diversifier considérablement les formes. Les noms qui peuvent illustrer ces pratiques sont extrêmement nombreux : Stéphane Audeguy, Maylis de Kérangal, Arno Bertina, Belinda Cannone, Marie Darrieussecq, Maryline Desbiolles, Éric Faye, Emmanuele Pagano, Lydie Salvayre...
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26 Mais, si des auteurs aussi divers que ceux-ci et bien d’autres encore s’autorisent aujourd’hui le roman sans réserve, c’est avec la pleine conscience de son histoire, et avec une véritable lucidité envers la caducité de certaines de ses formes. Aussi ne reviennent-ils pas au « romanesque » traditionnel : ils en inventent un autre, riche des réserves de la période formaliste et libéré de ses intransigeances par l’inventivité de la littérature des années 1980-1990. Si bien que l’on peut considérer le « moment esthétique » décrit dans l’étude qui précède comme un moment décisif où s’est joué, en France, un certain renouveau du roman. Couplé à la double influence de la littérature étrangère, notamment américaine, et de la littérature « francophone » (postcoloniale), d’une part, à une grande diversification des références culturelles (cinéma, séries télévisées, créations et jeux vidéo, bande dessinée…), d’autre part, il permet de comprendre l’évolution la plus récente de la littérature contemporaine.
Notes
1 On s’en avisera aisément en consultant la troisième section de l’Anthologie de la littérature française contemporaine (Viart, 2013 : p. 204-291 ).
2 À ce sujet, voir Brémond (1973).
3 Voir Viart et Vercier ([2005] 2008 : 102-128).
4 Voir Puech (1990, 2002, 2004). Voir aussi, sous le nom de Benjamin Jordane, L’apprentissage du roman (1993), et sous celui d’Yves Savigny, Une biographie autorisée (2010).
5 Voir Viart et Vercier ([2005] 2008 : p. 102-128).
6 Texaco, de Patrick Chamoiseau (1992), comptait déjà 444 pages. La tendance ici observée à son surgissement s’est amplement confirmée depuis. On peut mentionner, à titre de nouveaux exemples, deux romans qui ont obtenu le prix Goncourt : Les bienveillantes de Jonathan Littell (2006), et L’art français de la guerre d’Alexis Jenni (2011). Et encore Le siècle des nuages de Philippe Forest (2010), La confession négative de Richard Millet (2008), L’enfant des ténèbres et Pense à demain d’Anne Marie Garat (2008, 2010) ou, plus récemment, Le maréchal absolu de Pierre Jourde (2012).
7 Voir Viart et Vercier ([2005] 2008 : 386-391).
8 Pour donner idée de cette richesse et de cette variété, je me permets de renvoyer le lecteur à l’Anthologie de la littérature contemporaine française, notamment à sa dernière section (Viart, 2013 : 204-291).
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Notice biobibliographique
Auteur d’essais sur Jacques Dupin, Claude Simon, Pierre Michon, François Bon, sur le roman au 20e siècle, sur la poésie moderne, il a dirigé de nombreux ouvrages collectifs parmi lesquels : Littérature et sociologie (avec D. Rabaté et P. Baudorre, 2007) ; Écritures blanches (avec D. Rabaté, 2009) ; Nouvelles écritures littéraires de l’Histoire (2009); François Bon, éclats de réalité, (avec J.B. Vray, 2010) ; La Littérature française du 20 e siècle lue de l’étranger (2011).
Viennent de paraître, aux éditions Armand Colin : Fins de la littérature (avec L. Demanze, tome 1 : Esthétiques et discours de la fin, tome 2 : Historicité de la littérature contemporaine) ; Écrire le présent (avec G. Rubino) et une Anthologie de la littérature française contemporaine. Romans et récits depuis 1980.